Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 4.djvu/345

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enne :

Puis je fus du jaloux relever le chapeau,

Qui dans ce temps, cherchait ses gants et son manteau,

M'injuriant, pestant contre la destine ;

Mais comme heureusement ma lettre était donnée,

Il ne peut me fâcher. Crotté, gonflé d'ennui,

Il revint sur ses pas : j'y revins avec lui ;

Non sans rire en secret, songeant à sa chute.

De mon invention et de sa culbute.

HARPAGÊME

Ouf !...

À Hortense.

Et qu'arriva-t-il de l'un et l'autre tour ?

HORTENSE

Timante, n’instruit pas moi, pressé par son amour,

Pour me voir parler usa d'un stratagème.

Il fit secrètement avertir Harpagême,

Par un homme aposté, qu'il voulait m'enlever ;

Qu'un soir à ma fenêtre il devait me trouver,

Et que nous ménagions le moment favorable

Pour m'arracher des mains d'un jaloux détestable.

Cet avis fit l'effet que nous avions pensé ;

Par cette fausse alarme Harpagême offensé,

Voulant assassiner l'auteur de cet outrage,

Étant accompagné de spadassins à gage,

Fit quinze nuits le guet sous mon appartement,

Et je vis quinze nuits de suite mon amant,

Dans celui du jardin, au bas de ma fenêtre ;

Par des transports charmants que nos cœurs faisaient naître,

Sans crainte du jaloux, exprimant nos amours,

Nous cherchions les moyens de le fuir pour toujours,

Et ne nous arrachions de ce lieu de délices,

Qu'au moment que du jour on voyait les prémices.

Je me mettais au lit, où, feignant de dormir,

J'entendais mon bourru tousser, cracher, frémir ;

Tantôt, venant mouillé jusques à sa chemise ;

Tantôt, soufflant ses doigts, transi du vent de bise,

Toujours incommode, toujours tremblant d'effroi :

C'était, je vous l'assure, un grand plaisir pour moi.

{{Personnage| HARP