Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 4.djvu/40

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Cherée

Qu’il m’en fasse un pareil, j’en seray satisfait.

Parmenon

On vous croit sans jurer.

Cherée

On vous croit sans jurer. Mais qu’en pense Phœdrie ?
Je n’y vois point pour luy sujet de raillerie.

Parmenon

Qui sçauroit son present le pleindroit beaucoup plus.

Cherée

Quel present ?

Parmenon

Quel present ? Un vieillard impuissant et perclus,
Sans esprit, sans vigueur, sans barbe, sans perruque,
Un spectre, un songe, un rien, pour tout dire, un Eunuque
Dont encor il pretend, contre toute raison,
Pouvoir contrecarrer le present de Thrason.
Si l’on nous laisse entrer, je veux perdre la vie.

Cherée

S’il est aussi receu, qu’il me donne d’envie !

Parmenon

Vous preservent les Dieux d’un heur pareil au sien !
Ce seroit pour Pamphile un mauvais entretien.

Cherée

Quoy, garder une fille et si jeune et si belle !
Coucher en mesme chambre, et manger aupres d’elle,
La voir à tout moment sans crainte et sans soupçon ;
Tu ne voudrois pas estre heureux de la façon ?

Parmenon

Vous pouvez aisément avoir cette fortune :
La ruse est asseurée autant qu’elle est commune.
D’un voyage lointain depuis peu revenu,
Sans doute chez Thaïs vous estes inconnu ;
Il faut prendre l’habit que nostre Eunuque porte ;