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Thrason

T’ay-je dit un bon mot, qu’en un bal invité…

Gnaton

Bas, se tournant.
Non. Plus de mille fois il me l’a raconté.

Thrason

Nous estions regalez du Satrape Orosmede ;
Chacun avoit sa Nymphe : alors un Ganimede
Approchant de la mienne, aussi-tost je luy dis
Que les restes de Mars seroient pour Adonis.

Gnaton

Le jeune homme rougît ?

Thrason

Le jeune homme rougît ? Belle demande à faire !
Il rougît, et d’abord fut contraint de se taire :
Depuis chacun m’a craint.

Gnaton

Depuis chacun m’a craint. Avec juste raison.
N’ont-ils point un recueil des bons mots de Thrason ?

Thrason

Je t’en conterois cent ; mais changeons de matiere.
Thaïs, comme tu sçais, est femme assez altiere,
Jalouse, et d’un esprit à tout craindre de moy :
Dois-je, en quittant sa sœur, luy confirmer ma foy !

Gnaton

Rien moins. Il vaut bien mieux la tenir en cervelle.
Ayez tousjours en main quelque[1] amitié nouvelle ;
De ce secret d’amour l’effet n’est pas petit ;
C’est par là qu’on maintient les cœurs en appetit,
Et qu’on accroist l’amour au lieu de le destruire.
Mais je fais des leçons à qui devroit m’instruire.

Thrason

Comment un tel secret a-t-il pu m’échapper !

  1. Œuvres diverses de 1729 : une.