Page:La Fontaine - Fables, Bernardin-Bechet, 1874.djvu/199

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Sitôt qu’il fut au bout du terme
Qu’à la gageure on avait mis,
Le Soleil dissipe la nue,
Récrée et puis pénètre enfin le cavalier,
Sous son balandras[1] fait qu’il sue,
Le contraint de s’en dépouiller :
Encor n’usa-t-il pas de toute sa puissance.

Plus fait douceur que violence.


IV

JUPITER ET LE MÉTAYER

Jupiter eut jadis une ferme à donner.
Mercure en fit l’annonce et gens se présentèrent,
Firent des offres, écoutèrent :
Ce ne fut pas sans bien tourner ;
L’un alléguait que l’héritage
Était frayant[2] et rude, et l’autre un autre si.
Pendant qu’ils marchandaient ainsi,
Un d’eux, le plus hardi, mais non pas le plus sage,
Promit d’en rendre tant, pourvu que Jupiter
Le laissât disposer de l’air,
Lui donnât saison à sa guise,
Qu’il eût du chaud, du froid, du beau temps, de la bise,
Enfin du sec et du mouillé,
Aussitôt qu’il aurait bâillé.
Jupiter y consent. Contrat passé, notre homme
Tranche du roi des airs, pleut, vente, et fait en somme
Un climat pour lui seul : ses plus proches voisins
Ne s’en sentaient non plus que les Américains.

  1. Sorte de manteau.
  2. Occasionnait beaucoup de frais.