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VIII

LES VAUTOURS ET LES PIGEONS

Mars autrefois mit tout l’air en émute[1].
Certain sujet fit naître la dispute
Chez les oiseaux ; non ceux que le Printemps
Mène à sa cour, et qui, sous la feuillée,
Par leur exemple et leurs sons éclatants,
Font que Vénus est en nous réveillée,
Ni ceux encor que la mère d’Amour
Met à son char ; mais le peuple Vautour,
Au bec retors, à la tranchante serre,
Pour un chien mort se fit, dit-on, la guerre.
Il plut du sang : je n’exagère point.
Si je voulais conter de point en point
Tout le détail, je manquerais d’haleine.
Maint chef périt, maint héros expira ;
Et sur son roc Prométhée espéra
De voir bientôt une fin à sa peine.
C’était plaisir d’observer leurs efforts ;
C’était pitié de voir tomber les morts.
Valeur, adresse, et ruses, et surprise,
Tout s’employa. Les deux troupes, éprises
D’ardent courroux, n’épargnaient nuls moyens
De peupler l’air que respirent les ombres :
Tout élément remplit de citoyens
Le vaste enclos qu’ont les royaumes sombres.
Cette fureur mit la compassion
Dans les esprits d’une autre nation
Au cou changeant, au cœur tendre et fidèle.
Elle employa sa médiation

  1. Émeute.