Page:La Fontaine - Fables, Bernardin-Bechet, 1874.djvu/290

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Jusqu’à vingt ans, point davantage.
Le père, pour venir à bout
D’une précaution sur qui roulait la vie
De celui qu’il aimait, défendit que jamais
On lui laissât passer le seuil de son palais.
Il pouvait, sans sortir, contenter son envie,
Avec ses compagnons tout le jour badiner,
Sauter, courir, se promener.
Quand il fut en l’âge où la chasse
Plaît le plus aux jeunes esprits,
Cet exercice avec mépris
Lui fut dépeint ; mais, quoi qu’on fasse,
Propos, conseil, enseignement,
Rien ne change un tempérament.
Le jeune homme, inquiet, ardent, plein de courage,
À peine se sentit des bouillons d’un tel âge
Qu’il soupira pour ce plaisir.
Plus l’obstacle était grand, plus fort fut le désir.
Il savait le sujet des fatales défenses ;
Et comme ce logis, plein de magnificences,
Abondait partout en tableaux,
Et que la laine et les pinceaux
Traçaient de tous côtés chasses et paysages,
En cet endroit des animaux,
En cet autre des personnages,
Le jeune homme s’émeut, voyant peint un lion :
Ah, monstre ! cria-t-il ; c’est toi qui me fais vivre
Dans l’ombre et dans les fers ! À ces mots il se livre
Aux transports violents de l’indignation,
Porte le poing sur l’innocente bête.
Sous la tapisserie un clou se rencontra :
Ce clou le blesse, il pénétra
Jusqu’aux ressorts de l’âme ; et cette chère tête,