Page:La Fontaine - Fables, Bernardin-Bechet, 1874.djvu/343

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Tire-moi ces marrons. Si Dieu m’avait fait naître
Propre à tirer marrons du feu,
Certes, marrons verraient beau jeu.
Aussitôt fait que dit : Raton avec sa patte,
D’une manière délicate,
Écarte un peu la cendre, et retire les doigts ;
Puis les reporte à plusieurs fois ;
Tire un marron, puis deux, et puis trois en escroque :
Et cependant Bertrand les croque.
Une servante vient : adieu mes gens. Raton
N’était pas content, ce dit-on.

Aussi ne le sont pas la plupart de ces princes
Qui, flattés d’un pareil emploi,
Vont s’échauder en des provinces
Pour le profit de quelque roi.


XVIII

LE MILAN ET LE ROSSIGNOL

Après que le milan, manifeste voleur,
Eut répandu l’alarme en tout le voisinage,
Et fait crier sur lui les enfants du village,
Un rossignol tomba dans ses mains par malheur.
Le héraut du printemps lui demande la vie.
Aussi bien, que manger en qui n’a que le son ?
Écoutez plutôt ma chanson :
Je vous raconterai Térée et son envie. —
Qui Térée ? est-ce un mets propre pour les milans ? —
Non pas ; c’était un roi dont les feux violents
Me firent ressentir leur ardeur criminelle.
Je m’en vais vous en dire une chanson si belle
Qu’elle vous ravira : mon chant plaît à chacun.