« Le porter, d’une haleine, au sommet de ce mont
« Qui menace les cieux de son superbe front. »
L’un des deux chevaliers saigna du nez[1]. Si l’onde
Est rapide autant que profonde,
Dit-il… et supposé qu’on la puisse passer,
Pourquoi de l’éléphant s’aller embarrasser ?
Quel ridicule entreprise !
Le sage l’aura fait par tel art et de guise
Qu’on le pourra porter peut-être quatre pas :
Mais jusqu’au haut du mont ! d’une haleine ! il n’est pas
Au pouvoir d’un mortel ; à moins que la figure
Ne soit d’un éléphant nain, pygmée, avorton,
Propre à mettre au bout d’un bâton :
Auquel cas, où l’honneur d’une telle aventure ?
On nous veut attraper dedans cette écriture ;
Ce sera quelque énigme à tromper un enfant :
C’est pourquoi je vous laisse avec votre éléphant.
Le raisonneur parti, l’aventureux se lance,
Les yeux clos, à travers cette eau.
Ni profondeur ni violence
Ne purent l’arrêter ; et selon l’écriteau,
Il vit son éléphant couché sur l’autre rive.
Il le prend, il l’emporte, au haut du mont arrive,
Rencontre une esplanade, et puis une cité.
Un cri par l’éléphant est aussitôt jeté :
Le peuple aussitôt sort en armes.
Tout autre aventurier, au bruit de ces alarmes
Aurait fui : celui-ci, loin de tourner le dos,
Veut vendre au moins sa vie et mourir en héros.
Il fut tout étonné d’ouïr cette cohorte
Le proclamer monarque au lieu de son roi mort
Il ne se fit prier que de la bonne, sorte ;
- ↑ Perdit courage.