Jadis l’erreur du souriceau
Me servit à prouver le discours que j’avance :
J’ai, pour le fonder à présent,
Le bon Socrate, Ésope, et certain paysan
Des rives du Danube, homme dont Marc Aurèle
Nous fait un portrait fort fidèle.
On connaît les premiers : quand à l’autre, voici
Le personnage en raccourci.
Son menton nourrissait une barbe touffue ;
Toute sa personne velue
Représentait un ours, mais un ours mal léché
Sous un sourcil épais il avait l’œil caché,
Le regard de travers, nez tortu, grosse lèvre,
Portait sayon de poil de chèvre,
Et ceinture de joncs marins.
Cet homme ainsi bâti fut député des villes
Que lave le Danube. Il n’était point d’asiles
Où l’avarice des Romains
Ne pénétrât alors et ne portât les mains.
Le député vint donc, et fit cette harangue :
Romains, et vous sénat assis pour m’écouter,
Je supplie avant tout les dieux de m’assister :
Veuillent les immortels, conducteurs de ma langue,
Que je ne dise rien qui doive être repris !
Sans leur aide, il ne peut entrer dans les esprits
Que tout mal et toute injustice :
Faute d’y recourir, on viole leurs lois.
Témoin nous que punit la romaine avarice :
Rome est par nos forfaits, plus que par ses exploits,
L’instrument de notre supplice.
Craignez, Romains, craignez que le ciel quelque jour
Ne transporte chez vous les pleurs et la misère ;
Et mettant en nos mains, par un juste retour,