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Caquet-bon-bec[1] alors de jaser au plus dru,
Sur ceci, sur cela, sur tout. L’homme d’Horace,
Disant le bien, le mal, à travers champs, n’eût su
Ce qu’en fait de babil y savait notre agace,
Elle offre d’avertir de tout ce qui se passe,
Sautant, allant de place en place,
Bon espion, Dieu sait. Son offre ayant déplu,
L’aigle lui dit tout en colère :
Ne quittez point votre séjour,
Caquet-bon-bec, ma mie : adieu ; je n’ai que faire
D’une babillarde à ma cour :
C’est un fort méchant caractère.
Margot ne demandait pas mieux.

Ce n’est pas ce qu’on croit que d’entrer chez les dieux :
Cet honneur a souvent de mortelles angoisses.
Rediseurs, espions, gens à l’air gracieux,
Au cœur tout différent, s’y rendent odieux :
Quoique ainsi que la pie il faille dans ces lieux
Porter habit de deux paroisses[2].


XII

LE ROI, LE MILAN ET LE CHASSEUR

À S. A. S. MONSEIGNEUR LE PRINCE DE CONTI[3]

Comme les dieux sont bons, ils veulent que les rois
Le soient aussi : c’est l’indulgence

  1. Sobriquet inventé par la Fontaine pour désigner une femme babillarde.
  2. Allusion au plumage de la pie qui est noir et blanc.
  3. François-Louis, prince de la Roche-sur-Yon et de Conti, né à Paris en 1664, et mort en février 1709, l’un des protecteurs de la Fontaine.