Page:La Fontaine - Fables, Bernardin-Bechet, 1874.djvu/439

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

S’entremet, agit, et travaille.
À qui donner le prix ? Au cœur, si l’on m’en croit.
Que n’ose et que ne peut l’amitié violente !
Cet autre sentiment que l’on appelle amour
Mérite moins d’honneur ; cependant chaque jour
Je le célèbre et je le chante.
Hélas ! il n’en rend pas mon âme plus contente !
Vous protégez sa sœur, il suffit ; et mes vers
Vont s’engager pour elle à des tons tout divers.
Mon maître était l’Amour ; j’en vais servir un autre,
Et porter par tout l’univers
Sa gloire aussi bien que la vôtre.


XVI

LA FORÊT ET LE BÛCHERON

Un bûcheron venait de rompre ou d’égarer
Le bois dont il avait emmanché sa cognée.
Cette perte ne put sitôt se réparer
Que la forêt n’en fût quelque temps épargnée.
L’homme enfin la prie humblement
De lui laisser tout doucement
Emporter une unique branche,
Afin de faire un autre manche :
Il irait employer ailleurs son gagne-pain ;
Il laisserait debout maint chêne et maint sapin
Dont chacun respectait la vieillesse et les charmes.
L’innocente forêt lui fournit d’autres armes,
Elle en eut du regret. Il emmanche son fer :
Le misérable ne s’en sert
Qu’à dépouiller sa bienfaitrice
De ses principaux ornements.