Page:La Fontaine - Fables, Bernardin-Bechet, 1874.djvu/89

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Mais ce livre, qu’Homère et les siens ont chanté,
Qu’est-ce, que le hasard parmi l’antiquité,
Et parmi nous, la Providence ?
Or, du hasard il n’est point de science :
S’il en était, on aurait tort
De l’appeler hasard, ni fortune, ni sort ;
Toutes choses très incertaines.
Quant aux volontés souveraines
De celui qui fait tout, et rien qu’avec dessein,
Qui les sait, que lui seul ? Comment lire en son sein ?
Aurait-il imprimé sur le front des étoiles
Ce que la nuit des temps enferme dans ses voiles ?
À quelle utilité ? Pour exercer l’esprit
De ceux qui de la sphère et du globe ont écrit ?
Pour nous faire éviter des maux inévitables ?
Nous rendre, dans les biens, de plaisirs incapables ?
Et, causant du dégoût pour ces biens prévenus,
Les convertir en maux devant qu’ils soient venus ?
C’est erreur, ou plutôt c’est crime de le croire.
Le firmament se meut, les astres font leurs cours,
Le soleil nous luit tous les jours,
Tous les jours sa clarté succède à l’ombre noire,
Sans que nous en puissions autre chose inférer
Que la nécessité de luire et d’éclairer,
D’amener les saisons, de mûrir les semences,
De verser sur les corps certaines influences.
Du reste, en quoi répond au sort toujours divers
Ce train toujours égal dont marche l’univers ?
Charlatans, faiseurs d’horoscope,
Quittez les cours des princes de l’Europe :
Emmenez avec vous les souffleurs[1] tout d’un temps ;

  1. Les alchimistes.