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Page:La Fontaine - Théâtre, Herhan, 1804.djvu/377

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retour en Grèce il veut qu’il soit remis.
Admirez qu’en amants changeant nos ennemis,
L’un et l’autre a changé son esclave en maîtresse.
Vous et moi nous étions le butin de la Grèce.
Le partage étant fait, l’un et l’autre vainqueur
S’en vint mettre à nos pieds sa fortune et son cœur ;
Achille vous aima ; Patrocle aima Lydie.

BRISEIS.

J’ai sujet en un point de vous porter envie ;
Vous possédez entier le cœur de votre amant ;
Achille est occupé de son ressentiment ;
Sa gloire et sa grandeur sont encor mes rivales.
Tant que nous le verrons sur ces rives fatales,
Je craindrai pour ses jours. Vous voyez qu’au danger,
En me rendant à lui, l’on veut le rengager.
Que les enfants des dieux vendent cher aux mortelles
L’honneur de quelques soins, bien souvent peu fidèles !
Souvent il vaudrait mieux qu’un cœur de moindre prix
De nos frêles beautés se rencontrât épris
On le posséderait entier et sans alarmes ;
Au lieu que je crains tout, tantôt l’effort des armes,
Tantôt mon peu d’attraits, tantôt l’ambition ;
Et l’on n’est point d’un roi toute la passion.

LYDIE.

Vous l’êtes de celui qui joint, par sa naissance,
Au sang qu’il tient des dieux la suprême puissance.
S’il se venge et s’il veut exercer son courroux,
Le seul motif en est l’amour qu’il a pour vous.
De votre enlèvement il poursuit la vengeance.
Il eût dissimulé peut-être une autre offense
Mais, ne vous ayant plus, aussitôt il fit voir
Qu’en vous seule il faisait consister son devoir,