Page:La Fontaine - Théâtre, Herhan, 1804.djvu/393

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Contre les Phrygiens j’employais mes efforts ;
Les dieux ont dans mon cœur jeté d’autres transports
Car, après tout, j’exerce un courroux légitime.
La plupart de nos chefs ont beau m’en faire un crime,
L’affront dont leur parti veut être satisfait
Importe beaucoup moins que le tort qu’on m’a fait.
Qu’ils achèvent sans moi l’entreprise de Troie !
Tant qu’ils soient sur le point de devenir sa proie,
Qu’Agamemnon l’avoue, et qu’Ilion ait mis
Dans le dernier malheur mes derniers ennemis,
En présence des dieux je le proteste encore,
Mon bras refusera le secours qu’on implore.
Allons dans nos états attendre ce moment ;
Nous serons aujourd’hui spectateurs seulement.

PATROCLE.

Vous le pouvez, ces champs sont pleins de vos trophées
Il n’est point d’actions qui n’en soient étouffées.
Pour moi, me siérait-il de n’être que témoin
D’un combat dont je sais que ma gloire a besoin ?
Je n’ai point assez fait ; mon cœur doit se le dire.
Ce n’est pas que Patrocle aux premiers rangs aspire ;
Toutefois… ! Mais que sert enfin de souhaiter ?
Pour survivre à soi-même, il faut exécuter.
Des ombres du commun le favori d’Achille,
Confondu chez les morts, suivre la tourbe vile !
Permettez-lui, Seigneur, de se rendre aujourd’hui
Digne de l’amitié que vous avez pour lui.

ACHILLE.

Va, ton projet est beau : non que ta renommée
Parmi les nations ne soit déjà semée ;
Tu peux dès à présent ne mourir qu’à demi
Je me fais un honneur de t’avoir pour ami.