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Le Bouif errant

patelin où il n’y a même pas un bistro. À quoi cela me sert-il d’être nouveau riche ?

— Console-toi. Si les cinq millions de la Main Noire avaient été en monnaie d’or, tu aurais été forcé de les jeter par-dessus bord.

— Comme tout le reste, soupira le Bouif. Nos vêtements, nos souliers, jusqu’à mon sceptre que je conservais comme souvenir de mon passage dans la Monarchie… Quel voyage !

En une minute, les deux naufragés venaient de revivre, en pensée, toutes les péripéties de leur évasion.

La nuit avait été terrible.

Emporté par le cyclone, le ballon avait subi les pires dangers. Le feu du ciel, les cimes des montagnes, la pluie, la grêle et, surtout, l’inexpérience des passagers, incapables de la moindre manœuvre utile.

Réduit à l’état le lus lamentable, à moitié dégonflé, sans lest, sans guide-rope, sans instruments, l’aérostat avait fini par s’abattre, comme une loque, sur un rivage battu par les lames d’une mer démontée.

Grâce à son éducation sportive, Sava avait pu arracher Mitzi de la nacelle et transporter la jeune fille hors de l’atteinte des vagues. Bicard l’avait aidé de son mieux.

Les trois naufragés, trempés, lamentables et presque épuisés de fatigue, avaient pu se réfugier, sur la côte, dans une anfractuosité des rochers, où ils avaient attendu le jour.

Ils s’étaient réveillés sous la chaleur réconfortante d’un soleil que Bicard qualifia de tropical,