rancune de mauvais payeur et avait choisi le premier prétexte pour le desservir auprès des questeurs. Le Bouif avait été renvoyé à ses chères études, et, huit jours après, Suzanne Pomponne, la coquette, l’avait lâché comme une fleur.
Et puis Ugénie était partie avec sa fille Charlotte et les économies du ménage. Il se trouvait seul dans la vie, avec cinq sous dans sa poche pour continuer une existence habituée au farniente et à la considération des amis.
Une vague de désespoir submergea l’âme de Bicard. Pour la première fois de sa vie, il envisagea l’avenir.
C’était la misère, sans phrases, une vie sans joie, la mendicité peut-être. Or le Bouif, même aux époques les plus pénibles de son existence, n’avait jamais tendu la main.
Il se sentait le cerveau vide, la bouche amère. Il se trouva très las soudain et dut s’asseoir sur un banc. L’énergie commençait à lui manquer.
Puis il regarda les passants autour de lui et s’aperçut qu’il était arrivé, sans s’en rendre compte, jusqu’à la place de l’Étoile.
Devant lui, la masse de l’Arc de Triomphe barrait l’horizon. Alors il se souvint de la fameuse nuit qu’il avait passée, sous le monument glorieux, en causant avec le Soldat inconnu[1].
Ce dernier était le plus heureux. La mort l’avait comblé d’une gloire qu’il avait ignorée toute sa vie.
— La vie est vache ! murmura le Bouif. À quoi que ça sert de se cramponner dans un appartement
- ↑ Voir : Son Excellence le Bouif et Le Bistro de la Chambre (Ferenczi, éditeurs).