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Le Bouif errant

— Sale cabot ! grogna-t-il en se retournant.

Ce mouvement lui fit coller l’oreille au sol.

Il perçut alors un roulement dont l’intensité s’accentuait. C’était une sorte de vibration métallique que le rail lui transmettait comme un téléphone.

Machinalement, Bicard écouta.

Et, tout à coup, il comprit.

Un tramway s’approchait, se dirigeant vers la Madeleine.

Inexorable comme le destin, il allait sa route sans dévier. Le bruit encore fort lointain des roues se percevait distinctement. Collée sur le rail, l’oreille de Bicard entendait venir la Mort.

— Cette fois, pensa le Bouif, je suis bon.

Malgré la fermeté de sa décision d’en finir avec l’existence, il sentait une angoisse terrible l’envahir progressivement. Le roulement s’amplifiait et grondait, avec le bruit d’une cataracte, dans l’oreille du condamné.

Bicard avait lu dans un livre que les mourants revivent, en une seconde, toute leur existence antérieure. Il attendait ce moment-là. Cela tardait. Il ne parvenait point à chasser de sa pensée le roulement fatal qui devenait de plus en plus perceptible.

Au loin, le chien avait recommencé son hurlement lugubre.

— À la gare ! maugréa le mourant, en s’efforçant de changer de côté.

Alors un juron d’effroi lui échappa. Le bout d’un de ses pieds était coincé entre les deux parois de fer de la voie, il ne pouvait plus se dégager.

— Mince ! murmura-t-il affolé.

Subitement, la mort qu’il avait choisie se révéla