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Page:La Gerbe, nouvelles et poésies, tome 2, série 1, 1859.djvu/107

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— Croyez bien que ma conduite n’a pas été le résultat d’un manque de confiance.

— Je sais, reprit Belle et Bonne en raillant avec douceur, que vos dix-huit ans d’alors avaient bâti sur mes yeux bleus un poème d’amour, un roman chevaleresque. Mais de ce travers, enfant, je vous eusse guéri mieux que personne ; je me serais faite votre mère et celle d’Anina.

— Oh ! je le sais, madame ; il y a en vous des trésors d’amour et de vertu dont je ne suis pas digne. Mais, s’il faut vous le dire, je ne vous ai pas revue parce que j’étais jaloux ; oui, madame, jaloux, vous le comprendrez à peine, des caresses de mon enfant d’adoption. Son affection naissante me donnait des délires, ses baisers me passionnaient. Ah ! que voulez-vous ? C’étaient les premiers de ma vie d’enfant, de jeune homme ; ils furent, ils seront les seuls de ma vie d’homme. Non, je n’aurais pas voulu qu’un autre, fût-ce un ange, fût-ce vous, partageât avec moi le cœur d’Anina. Oh ! que j’étais fier quand j’entendais dire derrière nous à la promenade : Qu’elle est belle ! et que, seul, j’avais frisé ses beaux cheveux blonds, ajusté sa robe, chaussé ses charmants petits pieds… Oh ! que j’étais heureux quand je la voyais danser de joie et frapper dans ses jolies mains à la vue d’une poupée dont je lui faisais