Page:La Gerbe, nouvelles et poésies, tome 2, série 1, 1859.djvu/9

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aller dans les chansons, d’insouciance dans les esprits.

Il y a vingt ans donc, la fête de Montmartre était une vraie fête : c’était le soir d’un de ces jours étourdissants de gaîté et de soleil qui enivrent comme le vin et donnent aux plus sages le vertige du plaisir ; toute la montagne chantait, depuis la base jusqu’au sommet ; là de joyeuses ritournelles, ici des refrains d’amour, plus loin des odes à Bacchus, ce dieu déguisé qui montre un bout de l’oreille sous le masque replâtré de saint Denis.

Une des guinguettes les plus connues d’alors avait nom la Chaumière, comme cette fameuse reine du quartier latin dont la renommée est universelle et le souvenir impérissable. Elle était située dans la chaussée de Clignancourt, sur le terrain où s’élève aujourd’hui une haute maison dont le rez-de-chaussée est occupé par de vastes magasins de nouveautés. La Chaumière de Montmartre, moins échevelée que son homonyme d’outre-Seine, était presque aussi suivie que cette dernière ; elle avait ses jours de danse et ses jours de chant, aussi invariablement fixés que les heures d’oraison d’une vieille fille.

Les maîtres de l’établissement s’enrichissaient doucement, peut-être, mais loyalement et gaîment, sans regret de la veille, sans souci du-lendemain, et