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XXIV

« La Gazette »


À la brimante arriva la mère Parlaplein, surnommée « La Gazette » par toute la paroisse, à cause de son talent remarquable pour flairer, dénicher et fabriquer toutes sortes de nouvelles, qu’elle prenait on ne savait où. Elle méritait également ce surnom pour le zèle infatigable qu’elle mettait ensuite à les colporter, à les exagérer, à grossir les rumeurs publiques les plus banales, comme à faire naître les cancans les plus absurdes.

Cette fois la commère se trouvait un tant soit peu en retard dans l’accomplissement de ses fonctions de nouvelliste et de cancanière. Mais elle ne négligea rien pour rattraper le temps perdu, comme on va le voir.

Elle demeurait dans le premier rang, sur les confins de deux paroisses, et ce n’est qu’au village, où elle était venue faire ses emplettes de Noël, qu’elle avait eu vent des graves événements qui se déroulaient dans le Trois.

Dans le deuxième magasin où elle entra, elle trouva M. Pinette, disant au commis : « Si tu trouves une occasion, envoie donc ce paquet-là à ma femme tout de suite, et fais-lui dire que c’est pour le Sauvage, et que le curé dit que c’est tout ce qu’il faut. Pas besoin d’autre chose. Qu’y y fassent attention. M. le Curé l’a dit. Elle comprendra et le Sauvage aussi. »

La verbeuse Madame Parlaplein entra alors en scène et débuta comme suit : « Excusez, M. Pinette ; j’ai justement affaire à passer par le Trois en remontant ; puis je pars tout de suite, (j’sus pressée, voyez-vous !), je peux ben donner ça à Mame Pinette en passant… C’est une affaire de rien… »

Baptiste, sachant qu’il n’échapperait pas à la commère, se hâta de lui remettre le paquet sans plus d’explications. Et il s’esquiva pour ne pas avoir à répondre aux questions qui brûlaient