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Page:La Grande Revue, Vol 40, 1906.djvu/149

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De tous ces décombres dressez de gigantesques pyramides
Comme un memento mori sur le plan de l’histoire —
Celui-là est l’art, qui ouvre notre âme
À l’éternité ; non pas le corps nu qui rit
De sa moue de vendue, de son œil rusé et vif.

Oh ! emmenez le déluge, assez longtemps vous attendîtes
De voir quel bien pourrait surgir du bien —
Aucun ! La place de la hyène a été prise par le beau parleur,
La place de l’antique cruauté par l’insinuant tenace.
Les formes ont changé, mais le mal est resté.

Et vous retournerez alors vers les âges d’or
Que les mythes bleus nous murmurent souvent ;
Les plaisirs égaux seront partagés en égalité,
La mort même, éteignant la lampe de la vie qui se finit,
Vous apparaîtra comme un ange aux épais cheveux blonds.

Alors, vous mourrez aisément sans amertume ni souci,
Des adolescents vivront comme vous aurez vécu,
Mêmement la cloche ne pleurera plus de sa langue de bronze
Celui dont prît soin la bonne chance
Et que personne n’aura à plaindre ; il aura vécu sa vie.

Et les maladies, que la misère et la richesse hors-nature
Enfantent parmi les hommes, peu à peu s’évanouiront,
Il ne croîtra plus dans le monde que ce qui est destiné à croître,
On boira la coupe jusqu’à la lie, jusqu’à ce qu’on veuille la briser,
On mourra lorsqu’on n’aura plus de raison de vivre.


Sur les bords de la Seine en phaéton de gala
César passe, pâle, plongé dans ses pensées ;
Le lourd et sourd bruit des flots, le grondement sur le granit
Des centaines d’équipages, ne trompent pas ses réflexions :
Son peuple le rend silencieux et humble.

Son sourire est intelligent, profond et muet ;
Son regard lit dans les âmes des hommes,