Aller au contenu

Page:La Grande Revue, Vol 40, 1906.djvu/151

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Leur chevelure riche et noire s’épand sur leurs épaules,
Et couvre leurs seins — il y a haine et rage
Dans leurs yeux noirs, profonds et désespérés.

Ô ! guerroie, femme voilée par ta riche chevelure ;
L’enfant perdu est aujourd’hui un héros !
Car l’oriflamme rouge à l’ombre de justice
Sanctifie ta vie fangeuse et pécheresse.
Non ! la faute n’est pas à toi mais à ceux qui t’ont vendue !


La mer brille, calme ; et ses plaques grises
Se meuvent l’une sur l’autre comme des couches de cristal
Jetées sur la terre ; de la forêt mystérieuse
La lune émerge, grande, dans les plaines azurées,
Les emplissant de son œil superbe, triomphal.

Sur les ondes lentes, de vieux vaisseaux,
Meuvent en bercements leurs carcasses de bois ;
Glissant doucement, tels des fantômes, ils enflent leurs voiles
Devant la lune qui les traverse
Et dont la face apparaît comme un signe sur le disque de feu jaune.

Sur des bords bouleversés par le délire de la mer,
César veille toujours sous le tronc courbé
Du saule à la chevelure pendante, et les chants prolongés de l’eau,
En cercles fulgurants, s’allient ineffablement au souffle
De la brise du soir, et vibrent en cadence.

Il lui semble que dans l’air et la nuit étoilée,
S’avançant sur les cimes des forêts, par-dessus l’étendue des eaux,
Passe, barbe blanche, — sur le front assombri,
La couronne de paille lui pend, sèche —
Le vieux roi Lear.

Émerveillé, César regardait l’ombre des nuées
À travers la crête de laquelle transparaissaient des étoiles doucement tremblantes.
Son esprit s’ouvrait à tout le sens des tableaux
De la vie brillante, et les échos des peuples
Lui semblaient des voix qui enveloppent un monde d’amertume.