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Page:La Guette - Mémoires, 1856.djvu/112

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Mémoires

proposerez rien que de sage et d’honnête ; et je vous dirai encore plus, que quand ce ne seroit qu’une bergère, de votre part je la prendrai aveuglément. » Je fus tellement surprise de la créance qu’il avoit en moi, que je ne pus pas m’empêcher de lui en témoigner ma reconnoissance, avec résolution de le servir en cette rencontre, lui disant que c’étoit mon affaire et qu’il ne s’en mît point en peine. Il me dit : « Vous ferez le tout comme vous jugerez à propos ; je ne vous dédirai de rien. » J’étois bien aise de lui rendre ce service, parce qu’il étoit fort ami de mon mari ; de plus, il nous avoit fait l’honneur de tenir un de nos enfants avec Mlle Molé, petite-fille de M. le garde des sceaux Molé, qui a été depuis madame la marquise de Flamanville.

Quelque peu de temps après, M. le comte de Marsin eut ordre du roi de s’en aller en Catalogne commander son armée : mon mari le devança de quelques jours, et y alloit servir aussi. Il emmena mon fils avec lui, qui étoit son cornette, âgé de neuf à dix ans. C’étoit l’année du siége de Tortose[1] ; j’avois une telle envie qu’il fût honnête homme, que je l’obligeai de partir à un âge si peu avancé, malgré la tendresse que j’avois pour lui. Le jour même que mon mari s’en alla pour Catalogne, il vint un baron chez nous pour faire le voyage avec lui ; mais c’étoit un de ces barons à

  1. Tortose fut pris le 10 juillet 1648 par le maréchal de Schomberg. Marsin commandoit sous lui avec le titre de lieutenant général.