et qu’assurément ceux que l’on voyoit approcher avec le butin n’agissoient pas sans ordre. Il me quitta et doubla le pas pour leur aller dire ce que je lui avois représenté. La plupart répondirent : « Madame de La Guette est mazarine. Il ne faut pas la croire » (c’étoit le nom que l’on donnoit en ce temps-là à ceux qui étoient affectionnés au service du roi). Néanmoins ce prévôt y songea plus d’une fois et leur dit : « Messieurs, il faut les laisser passer aussitôt qu’ils nous auront approchés et que nous aurons vu leur ordre. » Ils le montrèrent d’abord, et on les régala de quelques bouteilles de vin à l’entrée de la porte du lieu, en dehors. Pendant tout ce temps-là, un de ces marchands avoit couru à Paris, chez M. le duc d’Elbeuf[1], pour de-
- ↑ Charles de Lorraine, duc d’Elbeuf. Voici deux des triolets
que Marigny fit contre lui à l’occasion de cette guerre de la
Fronde :
Ce pauvre monseigneur d’Elbeuf,
Qui n’avoit aucune ressource.
Et qui ne mangeoit que du beuf,
Ce pauvre monseigneur d’Elbeuf
A maintenant un habit neuf
Et quelques justes* dans sa bourse,
Ce pauvre monseigneur d’Elbeuf
Qui n’avoit aucune ressource.
Rentrez, bourgeois ; ne donnez pas,
On a trop soin de votre vie.
Monsieur d’Elbeuf ne le veut pas.
Rentrez, bourgeois ; ne donnez pas.
Puisque vous remplissez ses plats
Et rendez sa table servie,
* Les justes étaient des louis d’or ou d’argent à l’effigie de Louis XIII, qu’on avoit commencé à frapper en 1640 et 1641.