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Mémoires

car infailliblement ils les auroient achevés, je les réprimandai fort aigrement et leur fis reconnoître la faute qu’ils venoient de faire, que je croyois que M. le Prince ne leur pardonneroit jamais ; qu’il n’y avoit pas de temps à perdre et qu’il falloit aller trouver M. d’Angoulême pour le supplier très-humblement d’intercéder pour eux près de Son Altesse, Ils m’écoutèrent attentivement et se retirèrent chacun chez soi en me faisant de grandes révérences et me remerciant du bon avis que je leur donnais. J’entrai chez ma nourrice pour secourir ces pauvres cavaliers, qui s’étoient mis dessous son lit, et j’envoyai chercher le chirurgien pendant qu’on les retiroit par les pieds. On eut de la peine à les avoir, car ils n’avoient plus de forces, par la quantité de sang qu’ils avoient perdu : l’un avoit un bras cassé d’un coup de pistolet, et l’autre un coup de hallebarde dans la cuisse, avec de bons coups de bâtons par-dessus le marché. Je les laissai entre les mains du chirurgien, à qui je les recommandai, pour promptement secourir un autre que cinq ou six mutins vouloient achever de tuer, quoique le pauvre garçon se fût réfugié dans une maison. Aussitôt que ces misérables paysans m’aperçurent, ils crièrent : « Voilà encore madame de la Guette ; notre coup est manqué. » J’entre brusquement et leur dis cent choses en colère ; ils se retirèrent tous. Je trouvai ce pauvre cavalier en un plus pitoyable état que les autres. Il avoit un coup de pistolet au-dessous d’un des tétins et un