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Page:La Guette - Mémoires, 1856.djvu/125

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de Mme de La Guette.

Une belle nuit, il y eut alarme au quartier ; j’entendis les trompettes qui sonnoient à cheval,

    perte luy est commun, comme le cœur et le sang, avec la plus commune populace de…, et qu’il n’a point d’alliance recommandable que par sa mère seulement, fille d’un mareschal de France (Philippe Strozzy) qui estoit un athée et le principal de ces ministres violents qui dépravèrent les mœurs du duc d’Alençon et d’Anjou, frère de Henry III, qu’ils portèrent à vouloir régner par force et par citadelles sur les Flamens et Brabançons, qui l’avoient appelé, receu et déclaré leur prince légitime. Il s’est donné à M. le duc d’Orléans, qui l’a fait maréchal de camp et gouverneur de… ; et ces bienfaits sont des marques qu’il a fort peu servi S. A. R., si ce n’est que le jugeant capable de quelque jalousie des exploits de M. le Prince, il traversa ses desseins au siège de Thionville, en donnant passage à des troupes qui entrèrent dans la ville pour la défendre. »
    Le pamphlétaire raconte ensuite à sa manière les violences commises par les soldats du comte de Grancey dans le voisinage de Grosbois :
    « Nous sommes courus dans nos bois par ces tygres plus cruels que ceux de la Lybie, qui n’ont jamais fait de tort aux anciens pères hermites. La couleur innocente de nos habits leur inspire une rage forcenée contre tout ce qu’il y a de candeur : et nostre pauvreté, qui nous a tousjours asseurez dans les passages les plus infestez, fait que nostre sang est désiré par ces gouffres insatiables qui ne peuvent souffrir que rien échappe à leur fureur que ce qui peut satisfaire leur avarice. Ils font toutes sortes de profanations autour des abbayes d’Yerre et de Jarsy ; et il faut que ces saintes vierges, épouses de Jésus-Christ, composent tous les jours pour la seureté de vingt-quatre heures de leur honneur. Ces vestales sacrées, qui croyoient pouvoir garder ce feu éternel qu’elles ont préféré à une flamme légitime qui leur eust donné ou asseuré secours dans les villes dans les bras de leurs maris et en la juste valeur de leurs enfants et de leurs proches, sont à tous momens dans la crainte de se voir l’opprobre de cette nation maudite qui a fait des débauches et des ordures qui ne se peuvent décrire dans les vaisseaux sacrez, et à qui il ne reste plus que de commettre généralement ce sacrilége abominable que l’on nous dit avoir esté perpétré sur quelques religieuses particulières. »