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Mémoires

réputation, qui, à mon avis, est le plus grand avantage que l’on puisse avoir.

J’étois en couche quand il arriva. Le lendemain il fut trouver M. le Prince, pour lui faire la révérence et lui mettre en main quelques paquets de lettres ; puis il revint au logis. Deux jours après, nous fîmes baptiser notre enfant. Quand toute la compagnie fut à table dans ma chambre, j’entends courir sur l’escalier et crier : « Monsieur, vite, vite à cheval ! Sauvez-vous ! » Celui qui crioit entra où nous étions, tout effaré, et dit à mon mari qu’un tel, son ami, l’envoyoit avertir que M. le Prince, M. le prince de Conty, M. le duc de Longueville[1] étoient arrêtés par ordre du roi, et qu’il savoit que M. de La Guette avoit apporté des lettres à Son Altesse le jour d’auparavant ; qu’il craignoit qu’il y eût quelque chose dans lesdites lettres qui lui pût faire quelque méchante affaire, et que M. le Prince pouvoit même les avoir encore sur lui. Mon mari dit : « Je ne crains rien ; et pour cet effet, je monterai à cheval, aussitôt que j’aurai dîné, pour m’en aller à la cour. Cependant, mettez-vous à table, et nous partirons ensemble. » Ainsi dit, ainsi fait. Toute notre compagnie se retira, et je demeurai seule avec beaucoup d’inquiétude. Je fus quatre jours sans avoir aucunes nouvelles, et mon chagrin me causa des effets très-dangereux en l’état où j’étois. Mon mari revint

  1. Henri II, duc de Longueville. Les trois princes furent arrêtés le 18 janvier 1650.