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Page:La Guette - Mémoires, 1856.djvu/136

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Mémoires

fut aux bains ce jour-là pour se mettre de son mieux ; il y trouva le maréchal de Grammont[1], qui lui dit : « Monsieur de Marsin, vous avez du dessein aujourd’hui. — Oui, ma foi, lui repartit-il, j’en ai ; et il faut qu’elle soit bien cruelle si elle s’en défend. » Je fus l’après-dînée chez M. Guiot, où je trouvai mademoiselle de Clermont dans un très-grand éclat ; et je crois que son miroir lui avoit appris que M. de Marsin ne lui échapperoit pas ce jour-là. Comme j’étois auprès d’elle, l’on me vint dire que deux messieurs me demandoient. M. Guiot, qui est honnête et civil, fut à leur rencontre : c’étoient M. de Marsin et mon mari. M. de Marsin salua seulement madame Guiot et me fit une petite guerre agréable, disant qu’il y avoit longtemps qu’il me cherchoit, que mon mari ne savoit ce que j’étois devenue, et que s’il étoit à sa place, il me feroit bien rendre compte de toutes mes démarches. Je lui dis : « Monsieur, elles sont si justes qu’il n’en tire pas de peine. » On lui présenta un siége tout contre mademoiselle de Clermont, qui effectivement ne savoit pas que ce fût

  1. Antoine, d’abord comte et maréchal de Guiche, puis duc et maréchal de Grammont. C’étoit alors parmi les courtisans un usage général de se rendre dans une maison de bains pour s’y préparer à quelque action de courtoisie ou d’éclat, et souvent d’y passer la nuit. On y alloit la veille d’un rendez-vous galant, avant ou après un duel. On y donnoit des soupers ; on y faisoit la débauche. Quand on avoit quelque raison de ne pas se montrer dans Paris, on logeoit chez le baigneur. La maison la plus célèbre en ce temps-là étoit celle des Prudhommes. Il en est parlé dans presque tous les Mémoires contemporains.