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Mémoires

le gouverneur, nommé M. de Saint-Aubin[1], qui vint à mon hôtellerie un quart d’heure après que je fus arrivée, avec sept ou huit officiers de sa garnison. J’étois devant un grand feu pour me sécher, parce qu’il avoit beaucoup plu. Quand il arriva, le sieur de Sainte-Olive l’aperçut et me le dit. Je me tournai pour aller à sa rencontre ; après les premiers compliments faits de part et d’autre, il me pria d’aller au château pour plus grande assurance ; qu’il n’y avoit pas moyen de passer là une nuit, parce que les troupes du roi y faisoient des courses à tous moments, et qu’il pourroit m’arriver quelque désordre. Sainte-Olive me dit : « Madame, ne refusez pas l’offre que M. le gouverneur vous fait. » — « L’offre m’est trop avantageuse, lui dis-je, pour ne pas l’accepter ; mais je crains d’être importune à monsieur de Saint-Aubin. » — « Vous ne le pouvez, madame ; et je me tiendrai bien-heureux d’être votre hôte. » — « Partons donc quand il vous plaira, lui dis-je. » Il me présenta la main, et ces autres messieurs suivirent avec Sainte-Olive, qui tenoit une bonne marque, car il se trouvoit avec des officiers de parti contraire. Il étoit lieutenant de cavalerie dans le régiment colonel, aussi brave que pas un autre et qui le portoit beau, ayant une haine naturelle pour tous ceux qui étoient contre le service du roi.

Quand nous fûmes arrivés au château, M. le

  1. Il étoit gentilhomme du prince de Condé. Il avoit suivi son maître au siège de Lérida en 1647, et il y fut blessé.