chez lui. Les dames de la ville me firent l’honneur de me rendre visite. J’eus le temps de les voir chez elles, car je fis là quelque petit séjour en attendant mon époux. Je reconnus fort bien dans leur entretien qu’elles étoient mal intentionnées pour leur gouverneur, car elles n’en parloient pas avantageusement. Un jour qu’il me vint rendre visite je lui dis : « Monsieur, je crois que vous n’êtes pas le maître ici, si je ne me trompe ; et même vous n’avez pas l’approbation de toutes les dames. » Il me répondit : « J’en suis au désespoir. Je fais tout de mon mieux pour gagner les esprits de ces gens ici, qui sont fort farouches. » Le pauvre gentilhomme y réussit mal, car, peu de temps après, il fut poignardé dans une assemblée de ville en présence des magistrats[1]. Comme j’ai dit que je fus quelque
- ↑ Voici comment Balthazar raconte la mort du marquis de
Chanlot (Histoire de la guerre de Guyenne, commencée sur la fin
du mois de septembre 1651 et continuée jusqu’à l’année 1653,
Cologne, Corn, Egmont, 1624, in-12) : « La réduction de Bordeaux
dans l’obéissance du roi se fit à la fin du mois de juillet
1653. Chanlot, qui étoit dans Périgueux (il y avoit été laissé
comme gouverneur en 1651), avoit eu ordre depuis peu de Marchin
de tenir toujours bon pour son maître, lui promettant un
puissant secours ; à quoi Chanlot s’attacha fort vigoureusement.
Mais le colonel La Roque, qui y étoit, prévoyant quelque funeste
malheur, en partit avec son régiment de cavalerie. Enfin un
habitant tua Chanlot d’un coup de fusil. La garnison se rendit
prisonnière, de sorte qu’il ne resta aucune place en Guyenne
qui ne se soumît à l’obéissance de son roi et qui ne sentît une
vive douleur de s’être séparée de son prince. » Page 101.
Chavagnac, qui a joué un rôle dans cette sanglante tragédie, nous donne des détails beaucoup plus étendus : « D’abord que je fus arrivé (du Médoc), on me détacha avec six mille