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de Mme de La Guette.

lui ai ouï dire cent fois qu’il n’y avoit point de sa faute. Ce bon gentilhomme étoit ravi d’entendre tout ce que mon mari lui disoit de monsieur son oncle. Enfin nous nous séparâmes à une demi-lieue d’Angoulême, et nous allâmes descendre à la même hôtellerie où j’avois logé en venant. Quand mon hôtesse me revit, elle ne pouvoit assez me témoigner sa joie, parce qu’on lui avoit dit que j’avois été tuée à Sarlat. Il y a apparence qu’on avoit pris la pauvre Mme de Chavagnac pour moi. Le lendemain nous partîmes tout de bon pour Paris. Je dis tout de bon, parce qu’il n’y avoit plus d’obstacles par les chemins, sinon que je me cassai le nez de la manière que je vas dire.

Nous marchions à grandes journées avec le messager. Nous étions bien vingt ou trente personnes à cheval, et il n’y en avoit point qui ne parussent honnêtes gens. Mon mari, qui m’aimoit beaucoup, me disoit incessamment, quand il voyoit quelque méchant pas : « Tenez bride en main ; » car il craignoit ce qui m’arriva. Il me le dit tant de fois que je m’en ennuyai et m’en mis en colère, me semblant qu’il me faisoit tort, vu qu’on disoit que j’étois si bonne cavalière. Je me détachai de la compagnie et dis à son valet de me suivre. Puis je pris le petit galop. Cela faisoit des merveilles, si mon cheval ne fut point venu à broncher et tomber en même temps par ma négligence. Tout ce que je pus faire, ce fut de quitter les étriers et de me lancer par dessus la tête assez loin pour éviter