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de Mme de La Guette.

retour, il partiroit sans remise. Il en fut tout autrement ; car quelques favoris de M. le prince de Conty lui mirent dans l’esprit, aussitôt que je fus partie de Bordeaux, que M. de Marsin pouvoit faire son accommodement pour lui seul ; que je n’avois fait le voyage que dans cette vue-là ; qu’il falloit le prévenir, et qu’infailliblement le roi auroit assez de bonté pour pardonner à son Altesse quand il la verroit rentrée dans son devoir. M. le prince de Conti ne perdit pas de temps, et dépêcha son confident pour aller en Cour. Tout le monde a su la grâce que le roi lui fit[1].

Quant aux Bordelois, ils prirent encore ombrage de mon voyage dans le même temps, parce que plusieurs du parti de l’Ormée m’avoient vue chez M. le comte de Marsin ; et aussitôt qu’ils surent que j’étois partie, ils en prirent l’alarme et crurent fermement qu’on les trahissoit et qu’ils étoient tous perdus si le roi ne leur faisoit miséricorde. C’est pourquoy ils envoyèrent un député à M. de Vendôme pour le supplier très-humblement d’intercéder pour eux envers Sa Majesté ; et le roi eut la bonté de leur pardonner[2]. La Cour revint à Paris. Mon mari ne manqua pas d’aller trouver M. le Cardinal, qui prolongea encore son voyage de deux jours ; puis, après, son Éminence lui dit qu’il n’y avoit plus rien à faire, tout étant fait selon le plaisir

  1. Il ne faut pas oublier de consulter sur l’accommodement du prince de Conty les Mémoires du marquis de Chouppes, qu’on ne lit plus assez et qui sont rares.
  2. La paix de Bordeaux est du 31 juillet 1653.