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de Mme de La Guette.

catholique romain. Aussitôt que M. le prince d’Orange eut appris son malheur, il témoigna d’en avoir de la douleur et envoya M. de Benting[1], colonel de ses gardes de cavalerie et son favori, et aussi M. d’Overkerque, capitaine de ses gardes du corps et son grand écuyer, pour lui dire qu’il ne pouvoit pas le voir en l’état où il étoit, mais qu’il lui promettoit d’avoir soin de sa famille, et que rien ne le devoit inquiéter de ce côté-là. Mon fils pria ces deux messieurs, qui lui faisoient l’honneur de l’aimer, d’assurer Son Altesse qu’il mouroit son très-humble serviteur et très-content, puisqu’il avoit la parole d’un si grand prince pour tout ce qui le regardoit. Pour preuve de cela, il ne voulut jamais qu’on lui ôtât son écharpe qu’après sa mort. Il dit plusieurs belles et bonnes choses en mourant, sans se plaindre jamais. Ce bon enfant me nomma plus de vingt fois, en disant toujours : « Ma pauvre mère ! » ne doutant pas que la nouvelle de sa mort ne me fût le plus rude et le plus funeste coup que jamais une mère puisse ressentir. Il me recommanda à son frère fort soigneusement, et Dieu m’a fait la grâce qu’il n’a pas moins de naturel pour moi que son aîné, et qu’il sait fort bien s’acquitter de ce qu’il me doit. Il est homme d’honneur et de service autant qu’on le peut être, ce qui me donne une grande satisfaction sur la fin de mes jours.

  1. Guillaume Benting. Il suivit le prince d’Orange en Angleterre, fut fait comte de Portland le 20 avril 1689, et eut la plus grande part à toutes les affaires de ce règne.