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Mémoires

Guette par ma veuve. Je lui mandai au long tout ce qui m’avoit été dit et l’assurai de ma constance, qui étoit la seule chose sur quoi il faisoit fond ; car il doutoit de la bonne intention de ma mère, ayant fort bien reconnu que mon père étoit le maître chez luy. Il se rendit chez la confidente pour y pester à son aise et m’écrire quelque billet, puisqu’il n’y avoit plus lieu de nous voir, selon les apparences ; mais comme il n’étoit pas homme à se rebuter, il en cherchoit toutes les occasions ; et un jour entre autres il entra au logis par surprise, quoiqu’il y eut bon ordre pour l’en empêcher. Il s’en alla au cabinet de mon père, le pistolet à la main, se jeta à ses pieds et lui dit en deux mots : « Monsieur, il me faut mademoiselle votre fille pour femme ou la mort. » Il lui présenta son pistolet, et lui dit : « Il y a trois balles là dedans ; vous n’avez qu’à faire jouer le ressort. » Mon père fut fort surpris de cette harangue et ne savoit que luy répondre, car il le voyoit dans le dernier transport. Néanmoins, il fut invincible ; et le pauvre La Guette ne put obtenir que la continuation d’un refus, hors une chose qu’il lui accorda après l’en avoir requis plusieurs fois, qui étoit de me parler un quart d’heure en présence de ma mère. Cela fut fait, et je puis dire que tous les mots qui s’y dirent n’y furent point inutiles. Mon père entra sur les entrefaites et me dit : « voilà un cavalier qui a de la bonne volonté pour vous. Je n’y veux pas entendre ; je vous défends de l’aimer ; » et il