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village de Chipaton, à deux lieues de la ville. Ils y pillèrent les maisons de dix ou douze laboureurs ; et s’étant saisis de leurs femmes et de leurs enfans, ils tuèrent dans ce tumulte treize Chinois qui ne les avaient jamais offensés. L’alarme fut aussitôt répandue dans la province, et tous les habitans firent retentir leurs plaintes. Le mandarin prit des informations dans toutes les règles de la justice : elles furent envoyées à la cour. Un ordre plus prompt que toutes les mesures par lesquelles on s’était flatté de l’arrêter, amena au port trois cents jonques, montées d’environ soixante mille hommes, qui fondirent sur notre malheureuse colonie. Je fus témoin que, dans l’espace de cinq mois, ces cruels ennemis n’y laissèrent pas la moindre chose à laquelle on pût donner un nom. Tout fut brûlé ou démoli. Les habitans, ayant pris le parti de se réfugier dans les navires et les jonques qu’ils avaient à l’ancre, y furent poursuivis et la plupart consumés par les flammes, au nombre de deux mille chrétiens, parmi lesquels on comptait huit cents Portugais. Notre perte fut estimée à deux millions d’or. Mais ce désastre en produisit un beaucoup plus grand, qui fut la perte entière de notre réputation et de notre crédit à la Chine.

» Peu de temps après, d’affreuses nouvelles nous vinrent de Canton. Le 17 du mois d’avril 1556, nous apprîmes que la province de Chan-Si avait été abîmée presque entièrement, avec des circonstances dont le seul récit nous