Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 7.djvu/176

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

porter que quelques pièces d’étoffe d’or, avec une petite cave de six flacons de vin et un peu de biscuit, que je trouvai dans la cabane d’un pilote. J’attachai ce petit butin sur la claie, et le poussant devant moi avec beaucoup de peine et de danger, j’arrivai une seconde fois au rivage, quoique bien plus fatigué que la première.

» J’y rencontrai quelques Siamois qui s’étaient sauvés nus. La compassion que je ressentis de leur misère en les voyant trembler de froid, m’obligea de leur faire part des étoffes que j’avais apportées du vaisseau. Mais craignant que, si je leur confiais la cave, elle ne durât pas long-temps entre leurs mains, je la donnai à un Portugais qui m’avait toujours marqué beaucoup d’amitié, à condition néanmoins que nous en partagerions l’usage. Dans cette occasion, je reconnus combien l’amitié est faible contre la nécessité. Cet ami me donna chaque jour un demi-verre de vin à boire pendant les deux ou trois premières journées, dans l’espérance de trouver une source ou un ruisseau. Mais lorsqu’on se vit pressé de la soif, et qu’on craignit de ne pas découvrir d’eau douce pour se désaltérer, en vain le pressai-je de me communiquer un secours qu’il tenait de moi. Il me répondit qu’il ne l’accorderait pas à son père. Le biscuit ne put nous servir, parce que l’eau de la mer dont il avait été trempé lui donnait une amertume insupportable.

» Aussitôt que tout le monde se fut rendu à