Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 1.djvu/114

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fut visible jour et nuit. Si jamais l’imagination humaine put avec quelque apparence de vérité chercher des rapports entre les destinées passagères de l’homme et les mouvemens éternels des corps célestes, ce fut surtout dans cette occasion. On pouvait croire que l’horrible tempête qui s’éleva tout à coup, et qui tourmenta les Portugais pendant vingt-deux jours, était occasionée par la pression de la comète, qui, en refoulant l’atmosphère dans cette partie de notre globe, avait pu y exciter ces vents effroyables, mêlés d’éclairs et de pluies, qui, se choquant avec impétuosité, soulevaient les vagues comme des montagnes, et menaçaient d’accabler les vaisseaux portugais de tout le poids de l’Océan. Pendant plusieurs jours les ténèbres, qui ajoutent au danger, et surtout à la crainte, furent si épaisses, que les vaisseaux ne pouvaient se distinguer les uns les autres ; et, lorsqu’on eut un peu de relâche et qu’on revit un peu de lumière, la mer, toujours agitée et furieuse, paraissait noire comme de la poix pendant le jour, et enflammée pendant la nuit. Cependant ce terrible orage, malgré sa durée et son horreur, ne fit périr aucun des navires de la flotte, tant l’audace et l’industrie humaines ont de ressources pour combattre la nature et les élémens ; mais malheureusement on n’avait point encore trouvé de moyens de défense contre un épouvantable phénomène inconnu à des peuples qui affrontaient pour la