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ment d’interruption. Sur les seules côtes de Tercère il périt douze vaisseaux. Linschoten, témoin oculaire, raconte que l’on fut occupé pendant trois semaines à pêcher les cadavres que les flots portaient continuellement vers le rivage. La Vengeance, ce glorieux vaisseau de Greenwill, fut un de ceux qui se brisèrent en mille pièces contre les rochers. Il avait à bord soixante Espagnols et quelques prisonniers anglais qui périrent tous. Un vieux pilote d’un bâtiment hollandais, qui avait été arrêté dans les ports d’Espagne pour le service de cette cour, et qui était commandé par un Espagnol, après avoir opposé tout son art à la tempête, avait été porté à la vue de Tercère. Le capitaine espagnol, croyant que sa sûreté consistait à gagner la rade, le pressa d’y entrer malgré toutes ses résistances. En vain le pilote lui représenta que c’était se perdre sans ressource ; on lui répondit par des menaces injurieuses. Ce bon vieillard appela son fils, qui était un jeune homme de vingt ans : « Sauve-toi, lui dit-il en l’embrassant, et ne songe point à moi, dont la vie ne mérite plus d’être conservée. » Ensuite, obéissant au capitaine, il tourna vers la rade, tandis qu’un grand nombre d’habitans qui bordaient les côtes préparaient des cordes soutenues avec du liége, pour les présenter aux malheureux qu’ils s’attendaient à voir bientôt lutter contre les flots. En effet, le vaisseau fut lancé si rapidement sur les rocs, qu’il se brisa d’un seul coup. De