Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 1.djvu/311

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que plusieurs de nos gens se proposent de te former une cargaison ; mais je leur en fais défense en vertu de mon autorité, parce qu’il n’est pas sûr que les marchandises qu’ils veulent te donner ne nous soient pas bientôt nécessaires à nous-mêmes ; en un mot, je jure par tout ce qu’il y a de plus redoutable que, s’il passe quelque chose de nos vaisseaux dans le tien sans ma participation et sans mon ordre, je mets le feu aussitôt à ta felouque, et je t’y brûle toi-même avec ce que tu possèdes. »

Comme son emploi de quartier-maître lui donnait effectivement ce pouvoir, Lo ne put s’opposer à sa résolution. Il ne restait plus qu’à conduire Roberts sur la felouque. Il quitta le vaisseau du général sans que personne osât lui présenter le moindre secours, effet des menaces de Russel ; car la libéralité n’est pas une vertu fort rare chez les corsaires, qui donnent très-facilement ce qu’ils sont exposés à perdre à toutes les heures du jour. Comme ce furieux capitaine était prêt à retourner sur son bord, il se chargea de prendre Roberts dans sa chaloupe. En arrivant à son vaisseau, il donna ordre que le souper fût préparé et dans l’intervalle il se fit apporter du punch et du vin, avec des pipes et du tabac. Tous les officiers furent invités, et Roberts avec eux. Russel lui dit qu’il l’exhortait à boire et à manger beaucoup, parce qu’il avait un voyage aussi difficile à faire que celui du prophète Élie