Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 12.djvu/216

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lieux ils se retirent ; l’idée qu’on a conçue de ces hommes extraordinaires, leur figure qui a quelque chose d’affreux, leur air et leur regard farouche, leur son de voix, leur démarche, l’agilité avec laquelle ils courent sur le penchant des rochers bordés de précipices, inspirent une véritable horreur qui fait frémir les plus intrépides. On ajoute que ces conducteurs ont de fréquens entretiens avec les démons. Enfi tout ce qu’on en raconte les ferait plutôt regarder comme des esprits infernaux que comme des hommes ; ils passent néanmoins pour les confidens de Xaca, et pour des saints d’un ordre distingué.

L’autorité qu’ils prennent sur les pèlerins ne peut être conçue que par ses effets : ils commencent par les avertir d’observer exactement le jeune, le silence, et toutes les règles établies : après quoi, pour la moindre faute, ils prennent le coupable, ils le suspendent par les mains au premier arbre, et l’y laissent exposé au plus affreux désespoir : dans cette situation un malheureux, à qui la force manque bientôt pour se soutenir, tombe et roule de précipice en précipice. Les spectateurs n’osent pousser la moindre plainte : un fils qui pleurerait son père, un père qui donnerait le moindre signe de compassion pour son fils, recevraient le même traitement.

Vers la moitié du chemin, on arrive dans un champ où les bonzes font asseoir tous les pèlerins, les mains en croix, et la bouche collée sur