Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 12.djvu/246

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qu’on n’en avait jamais vu dans cet empire, et peut-être plus que dans aucun pays du monde. Quoiqu’ils eussent chacun leur maître, ils se tenaient dans les rues, où ils étaient fort incommodes aux passans. Dans chaque rue, on était obligé, par un ordre particulier de l’empereur, d’entretenir un certain nombre de ces animaux, et de les nourrir. On y avait bâti de petites loges pour leur servir de retraite lorsqu’ils étaient malades, et pour les y traiter avec beaucoup de soin. Ceux qui venaient à mourir devaient être portés sur le sommet des montagnes, lieu fixé pour leur sépulture ; il était défendu, sous de grosses peines, de les insulter ou de les maltraiter. C’était un crime capital de leur ôter la vie, quelque désordre qu’ils pussent causer. Les plaintes devaient être portées à leurs maîtres, qui avaient seuls le droit de les punir. Cette étrange attention à les conserver venait d’une idée superstitieuse de l’empereur, qui était né sous le signé céleste auquel les Japonais donnent le nom de chien. Voici à ce sujet un conte japonais : « Le maître d’un chien mort le portait au sommet d’une montagne pour l’enterrer. Fatigué du poids, il se mit à maudire le jour de la naissance de l’empereur, et l’ordre ridicule qui causait tant d’embarras à toute la nation. Son compagnon lui conseilla de se taire, quoiqu’il ne condamnât point son impatience et ses plaintes ; mais, dans la nécessité d’obéir à la loi, il lui dit qu’au lieu de se livrer aux imprécations,