Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 12.djvu/331

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ques fruits de l’île ; ensuite, s’étant assis à terre, les genoux pliés jusqu’au menton, il lui tint ce discours, que Colomb se fit expliquer aussitôt par ses interprètes : « Tu es venu dans ces terres, que tu n’avais jamais vues, avec des forces qui répandent l’effroi parmi nous. Apprends néanmoins que nous reconnaissons dans l’autre vie deux lieux ou doivent aller les âmes : l’un redoutable et rempli de ténèbres, qui est le partage des méchans ; l’autre bon et délectable, où reposent ceux qui aiment la paix et le bonheur des hommes. Si tu crois mourir, si tu crois que le bien ou le mal que tu auras fait te sera rendu, j’espère que tu ne feras point de mal à ceux qui ne t’en font point. Tout ce que tu as fait jusqu’à présent est sans reproche, parce qu’il me semble que tes desseins ne tendent qu’à rendre grâces à Dieu. »

L’amiral lui répondit « qu’il se réjouissait beaucoup de voir l’immortalité de l’âme au nombre de ses connaissances ; qu’il lui apprenait, et à tous les habitans de sa terre, que les rois de Castille, leurs seigneurs, l’avaient envoyé pour savoir s’il y avait dans leur pays des hommes qui fissent du mal aux autres, comme on le disait des Caraïbes ; qu’il avait ordre de les corriger de cet usage inhumain, et de faire régner la paix entre tous les habitans des îles. » Le cacique, à qui on expliqua cette réponse, versa quelques larmes après l’avoir entendue : il demanda plusieurs fois si c’était