Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 12.djvu/369

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jetaient eux-mêmes avec horreur cet indigne ministère.

Il souffrit sa disgrâce et toutes les humiliations dont elle fut accompagnée avec une fermeté qui fut peut-être le plus glorieux trait de son caractère. Cette force d’esprit, qui ne l’abandonna jamais, parut alors avec éclat : il y avait toute apparence que l’adelantade, qui était encore en liberté, ne ménagerait rien pour arracher ses frères des mains d’un homme dont il devait tout appréhender. Bovadilla, qui en comprit le danger, envoya ordre à l’amiral de lui écrire, pour le presser de revenir promptement à San-Domingo. L’amiral écrivit : il faisait les plus vives instances pour engager son frère à venir partager sa mauvaise fortune avec lui. « Notre ressource, lui disait-il, est dans notre innocence : nous serons menés en Espagne : qu’avons-nous à désirer de plus heureux que de pouvoir nous justifier ? » Cette proposition dut révolter un homme du caractère de l’adelantade ; mais il ne laissa pas de se rendre à l’avis de son frère. Il vint à San-Domingo ; à peine y fut-il arrivé, qu’il fut chargé de chaînes, et conduit dans la caravelle qui servait de prison à don Diègue. Bovadilla mit le comble à ses injustices en accordant toutes sortes de faveurs à un chef de révoltés. Après avoir donné ses premiers soins à sauver une troupe de séditieux, qui étaient sur le point d’expier leurs crimes par le dernier supplice, on s’était attendu qu’il ferait du moins des