Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 12.djvu/391

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On peut s’imaginer à quelle extrémité les Colomb et leurs gens étaient réduits par le délai du secours qu’ils attendaient depuis plus de six mois. La mauvaise qualité des nourritures et les fatigues d’une si rude navigation avaient réduit l’équipage à un état déplorable. S’ils avaient reçu quelque soulagement des habitans de la Jamaïque, il ne leur avait pas ôté la crainte de se voir abandonnés dans une île sauvage, et condamnés à ne jamais revoir leur patrie. Cette idée, qui n’avait agi que faiblement sur les Castillans, tant qu’ils avaient espéré quelque chose du voyage de Mendez et de Fieschi, produisit des mouvemens séditieux lorsqu’ils eurent commencé à perdre cette espérance. Ils soupçonnèrent l’amiral de n’oser retourner à Espagnola, dont on lui avait refusé rentrée ; de n’avoir envoyé Mendez et Fieschi que pour faire sa paix à la cour, où l’on ne voulait plus entendre parler de lui, et de s’embarrasser si peu du sort de tous ses gens, qu’il n’avait peut-être fait échouer ses navires que pour faire servir cet accident au rétablissement de sa fortune. Ils en conclurent qu’une juste prudence obligeait chacun de penser à soi, et de ne pas attendre que le mal fût sans remède. Les plus violens ajoutèrent qu’Ovando, qui n’était pas bien avec les Colomb, ne ferait un crime à personne de les avoir quittés ; que le ministre des Indes occidentales, leur ennemi, n’en recevrait pas plus mal ceux qu’il verrait arriver sans eux ; et que la cour, persuadée enfin que personne