Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 12.djvu/396

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voir qu’on aurait bientôt une éclipse de lune. Il fit dire à tous les caciques voisins qu’il avait à leur communiquer des choses fort importantes pour la conservation de leur vie. Un intérêt si pressant les eut bientôt rassemblés. Après leur avoir fait de grands reproches de leur refroidissement et de leur dureté, il leur déclara d’un ton ferme qu’ils en seraient bientôt punis, et qu’il était sous la protection d’un Dieu qui se préparait à le venger. N’avez-vous pas vu, leur dit-il, ce qu’il en a coûté à ceux de mes soldats qui ont refusé de m’obéir ? Quels dangers n’ont-ils pas courus en voulant passer à l’île d’Haïti, pendant que ceux que j’y ai envoyés ont traversé sans peine ! Bientôt vous serez un exemple beaucoup plus terrible de la vengeance du Dieu des Espagnols ; et, pour vous faire connaître les maux qui vous menacent, vous verrez dès ce soir la lune rougir, s’obscurcir, et vous refuser sa lumière ; mais ce n’est, que le prélude de vos malheurs, si vous vous obstinez à me refuser des vivres.

En effet, l’éclipse commença quelques heures après, et les barbares, épouvantés, poussèrent d’effroyables cris. Ils allèrent aussitôt se jeter aux pieds de l’amiral, et le conjurer de demander grâce pour eux et pour leur île. Il se fit un peu presser pour donner plus de force à son artifice ; et, feignant de se rendre, il leur dit qu’il allait se renfermer et prier son Dieu, dont il espérait apaiser la colère. Il s’enferma pendant toute la durée de l’éclipse, et les Amé-