Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 12.djvu/399

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L’amiral s’aperçut aussitôt du mauvais effet que la conduite d’Ovando avait produit sur ses gens ; il les assembla pour les assurer qu’ils recevraient de prompts secours ; mais il ne persuada pas les plus clairvoyans, qui, jugeant mal de l’affectation d’Escobar à ne converser avec personne, commencèrent à craindre que le dessein du gouverneur ne fût de laisser périr les Colomb et tous ceux qui leur marquaient de l’attachement. Cependant les promesses de l’amiral calmèrent la multitude ; il se flatta même de pouvoir engager, par la même voie, les déserteurs à rentrer dans le devoir : il leur communiqua l’agréable nouvelle qu’il venait de recevoir, et leur fit porter un quartier de la bête dont on lui avait fait présent : mais cette honnêteté fut mal reçue. Porras jura que de sa vie il ne se fierait aux Colomb, et que, jusqu’à l’arrivée du secours, il continuerait de vivre dans l’indépendance : il ajouta que, si l’on envoyait deux vaisseaux, il en prendrait un pour lui et pour sa troupe, et que, s’il n’en arrivait qu’un, il se contenterait de la moitié ; et qu’au reste, ses gens ayant été forcés de jeter à la mer toutes leurs hardes et leurs marchandises, il convenait que l’amiral partageât avec eux ce qui lui en restait. Les envoyés ayant représenté qu’ils ne pouvaient faire des propositions de cette nature à leur chef commun, la fureur des rebelles augmenta jusqu’à protester que ce qu’on ne voulait pas leur accorder de bonne grâce, ils l’enlèveraient par force ; et Porras,