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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 12.djvu/60

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un homme avant qu’il ait donné des preuves de son talent pour le larcin ? C’est pourtant ce qu’on dit des Tchouktchis. Ceux-ci sont, à la vérité, des peuples vagabonds et brigands qui vivent de pillage, comme certains Arabes et beaucoup de Tartares ; mais il y a de la différence entre des mœurs destructives, qui naissent du besoin avant l’état de police, et des principes avoués et reçus dans un état de société. Il ne faut pas confondre la vie disetteuse et précaire de quelques sauvages du Nord, que rien ne lie en peuplades, avec la constitution raisonnée des Spartiates, qui nommaient communauté ce que nous appelons propriété ; jouissance libre d’un bien public, ce que nous appelons vol d’un bien particulier.

Si les Koriaks n’ont pas adopté la communauté des femmes, ils aiment du moins la polygamie, épousant, quand ils sont riches, jusqu’à deux ou trois femmes, qu’ils entretiennent dans des endroits séparés, avec des troupeaux de rennes qu’ils leur donnent. Ils ont aussi quelquefois des concubines ; mais elles sont déshonorées sous le nom injurieux de kaien. Un usage très-singulier, que la superstition a répandu chez les Koriaks fixes, c’est de donner dans leur lit conjugal la seconde place à des pierres qu’ils habillent et caressent comme des femmes. « Un habitant d’Oukinha, dit Kracheninnikov, avait deux de ces pierres : l’une grande, qu’il appelait sa femme ; l’autre petite, qu’il appelait son fils. Je lui demandai la raison de cette