Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 13.djvu/176

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moins de désordre dans leurs rangs. Comme leur point d’honneur était de dérober la connaissance du nombre de leurs morts et de leurs blessés, ce soin, qui ne cessait pas de les occuper, contribua beaucoup à les jeter dans la confusion. Cortez n’avait pensé jusqu’alors qu’à courir, avec ses cavaliers, aux endroits où le péril était pressant, pour rompre à coups de lances et dissiper ceux qui s’approchaient le plus. Mais, reconnaissant leur trouble, il résolut de saisir ce moment pour les charger, dans l’espérance de s’ouvrir un passage, et de prendre quelque poste où toutes les troupes pussent combattre de front : il communiqua son dessein à ses officiers ; les cavaliers furent placés sur les ailes ; et, tout d’un coup, invoquant saint Pierre à haute voix, le bataillon espagnol s’avança contre les Tlascalans. Ils soutinrent assez vigoureusement le premier effort ; mais la furie des chevaux, qu’ils prenaient pour des êtres surnaturels, leur causa tant de frayeur, qu’ils s’ouvrirent enfin avec toutes les marques d’une affreuse consternation. Dans le temps qu’ils se heurtaient entre eux, et que, se renversant les uns sur les autres, ils se faisaient plus de mal qu’ils n’en voulaient éviter, il arriva un incident qui ranima leur courage, et qui faillit entraîner la ruine des Espagnols. Un cavalier, nommé Pierre de Moron, qui montait un cheval très-léger, mais peu docile, s’engagea si loin dans la mêlée, que plusieurs officiers tlascalans,