Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 13.djvu/57

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nombreuse armée, dont il tua six cents hommes à coups d’arquebuse et par les morsures de ses chiens.

Quoique le jeune Comagre eût assuré avec raison qu’il n’y avait que six jours de chemin depuis les terres de Ronca jusqu’au sommet d’une montagne d’où l’on découvrait la mer, la difficulté des passages et celle d’y trouver des vivres y firent employer vingt-cinq jours ; enfin on arriva fort près de cette élévation, la plus grande de tout le pays qu’on avait traversé : Balboa y voulut monter seul, pour jouir le premier d’un spectacle qu’il désirait depuis si longtemps. À la vue de la mer du Sud, qu’il ne put méconnaître, il se mit à genoux, il étendit les bras vers le ciel, en rendant grâce à Dieu d’un événement si avantageux à sa patrie, et si glorieux pour lui-même. Tous ses gens, appelés par le signal, s’empressèrent de le suivre ; il recommença devant eux la même cérémonie, qu’ils imitèrent tous à la vue des Américains étonnés, qui ne pouvaient s’imaginer le sujet d’une si grande joie ; ils ne savaient pas que leurs oppresseurs se félicitaient d’avoir trouvé un chemin de plus pour pénétrer dans le Nouveau-Monde, qu’on allait investir par les deux mers ; ils ne savaient pas que, par un mélange sacrilége de dévotion et d’avarice, les Espagnols s’applaudissaient de voir s’ouvrir devant eux une nouvelle scène pour de nouveaux brigandages.

Balboa se hâta de prendre possession, pour