Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 13.djvu/65

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Des ordres si flatteurs ne firent qu’avancer sa perte ; Pédrarias était bien éloigné de cette douceur qui avait fait tant d’amis à l’adelantade : il avait juré la perte d’un homme dont le mérite lui faisait ombrage. Il lui fit un procès criminel dans lequel la mort de Nicuessa, et les violences exercées contre Enciso furent encore rappelées : on y ajouta le crime de félonie, en supposant l’intention d’usurper le domaine du roi. En vain Balboa se récria contre ces accusations, dont les unes étaient déplacées après le jugement du conseil, et les autres absolument fausses. Il eut la tête coupée à Sainte-Marie, à l’âge de quarante-deux ans, et sa mort fit perdre au roi le meilleur officier qu’il eût alors dans les Indes. Ce qu’il avait fait en si peu d’années ne laissa aucun doute qu’il n’eût bientôt découvert et conquis le Pérou, si la cour ne lui eût pas ôté le commandement lorsqu’il se disposait à partir pour cette expédition. L’Amérique fut indignée de cet acte de tyrannie, et la conduite de Pédrarias dans son gouvernement ne répondit que trop à cette première atrocité. Les historiens le représentent comme une bête féroce déchaînée par le ciel en colère : on lui reproche d’avoir désolé, depuis le Darien jusqu’au lac Nicaragua, cinq cents lieues d’un pays très-peuplé, le plus riche et le plus beau qu’on puisse s’imaginer, et d’avoir exercé sur les Américains, sans distinction d’alliés et d’ennemis, des cruautés qui paraîtraient incroya-